LLa galaxie Dassault

La disparition de Serge Dassault, le 28 mai, a remis sous les feux de la rampe l’empire industriel que Serge et son père, Marcel Dassault, ont érigé depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale. On connaît l’histoire de Marcel Ferdinand Bloch : jeune ingénieur, il dessine une nouvelle hélice (nommée Eclair) qui équipe l’aviation française dès 1917, puis il développe son activité aéronautique dans l’entre-deux-guerres. C’est toutefois au sortir de la Seconde Guerre mondiale que la Société des avions Marcel Dassault, nouveau patronyme de Marcel, prendra de l’ampleur.

Comité des sages

Depuis 1946, on doit à l’entreprise le Mystère, l’Alpha Jet, le Mirage et, aujourd’hui, le Rafale dans le domaine des avions de combat. Parallèlement, à partir des années 1960, la société s’est lancée dans un autre domaine, l’aviation d’affaires, et dans l’électronique (radars). L’avionneur sera renommé Dassault Aviation en 1990, tandis que Dassault Electronique sera absorbé par Thales, ex-Thomson-CSF, en 1998.

Entre-temps, en 1981, Dassault Systèmes voit le jour. Le spin-off du leader mondial des logiciels professionnels en 3D est le fait de Charles Edelstenne, le proche de Serge Dassault, est aujourd’hui PDG du holding, nommé Groupe industriel Marcel Dassault (GIMD), sans limites de durée à son mandat, aux côtés d’un comité de gestion composé des membres de la famille Dassault. La présidence tournante du conseil de surveillance est revenue en juin à la fille de Serge Dassault, Marie-Hélène Habert, tandis que ses frères, Olivier et Laurent, sont respectivement président du comité stratégique et de développement et directeur général délégué. A terme, Charles Edelstenne et les membres de la famille devront, aidés d’un « comité des sages » composé de cinq personnalités extérieures à la famille, décider qui prendra par la suite la direction de Groupe industriel Marcel Dassault.

Leaders malgré leur taille

Dassault Systèmes et Dassault Aviation sont souvent vus comme deux incongruités industrielles : ce sont de vrais champions mondiaux malgré une taille d’ETI (entreprise de taille intermédiaire), « question de compétences et non pas de taille critique », s’évertue à répondre le groupe depuis des années, mais aussi de stabilité de l’actionnariat. La première fait partie des rares sociétés françaises à être reconnue en tant que leader technologique, parfois vue comme notre rare Gafa potentiel. La seconde figure parmi les trois constructeurs de jets haut de gamme et fait face à des géants tels que Airbus, Boeing ou Lockheed Martin, dans l’aviation de combat. Autre incongruité au vu de sa taille, l’importance que revêt Dassault Aviation pour la défense nucléaire française, directement en concevant et en fabriquant ses avions de combat, ou, indirectement, via ses participations dans Thales et dans Naval Group, et pour les sous-marins nucléaires.

Mais Groupe Dassault va au-delà de l’aéronautique et des logiciels. On y trouve des sociétés cotées et non cotées, dans au moins six domaines différents, dont l’immobilier avec Immobilière Dassault ou la maison de ventes aux enchères Artcurial, la presse et l’édition (Groupe Figaro) ou les vignobles avec Dassault Wine Estates (Château Dassault, Château La Fleur, Faurie de Souchard et Château Trimoulet, des grands crus classés Saint-Emilion) et une participation de 5 % dans Château Cheval-Blanc. Il dispose également d’un « petit portefeuille de participations, qui n’a pas vocation à être spéculatif mais est pour du long terme », commente un connaisseur du dossier. Bien que, depuis 2017, GIMD ne figure plus au capital de Veolia Environnement, il détient encore des actions Rubis, BioMérieux et Transgene tandis que son bras droit en capital-risque, Dassault Développement, peu actif, est présent dans Genoway. Des interrogations sur des mouvements au sein de la galaxie se sont toutefois fait jour ces derniers mois, concernant notamment les activités de presse. Enfin, bien qu’il soit difficile de chiffrer exactement la valeur de cet empire – toutes les données ne sont pas publiques -, on parle d’environ 20 milliards d’euros.

Les profils au sein de la galaxie sont donc variés ; il en est de même des entités cotées à Paris : on trouve du défensif dans Immobilière Dassault, de la rentabilité dans Dassault Systèmes ou de la solidité dans Dassault Aviation. N’y cherchez pas, en revanche, de rendement, ce n’est pas le fort de la famille !