Rafale

Les critiques de Theo Francken sur le Rafale, F‑35 en question

Analyse technique des propos du ministre Francken sur le Rafale vs F‑35, enjeux stratégiques, capacités en Europe face à la Russie.

Le 4 juillet 2025, Theo Friederichs Francken, ministre belge de la Défense, a provoqué une vive controverse. Il a déclaré que les avions européens – Rafale, Eurofighter, Gripen – ne seraient pas en mesure de rivaliser avec la Russie, et a affirmé que seul le F‑35, grâce à sa furtivité, offrirait une réelle supériorité. Ces propos, perçus comme un désaveu pour l’industrie aéronautique européenne, soulèvent deux questions : le F‑35 surclasse-t-il réellement ses homologues occidentaux ? Et quelles en sont les conséquences stratégiques, économiques et industrielles pour l’Europe ?

Cet article technique et rigoureux examine d’abord les caractéristiques de chaque appareil, en s’appuyant sur données chiffrées et retours opérationnels. Il étudie ensuite la doctrine de furtivité et l’impact du choix d’un appareil sur la posture européenne. Enfin, il analyse les ambitions européennes, notamment les programmes de 6ᵉ génération, ainsi que les répercussions pour la Belgique et ses partenaires. Ce texte s’adresse aux professionnel·le·s du secteur défense : officiers, ingénieur·e·s, analyste·s. Aucun cliché, mais des informations précises : performances, coûts, capacités, enjeux industriels, stratégies nationales.

Les caractéristiques techniques comparées

Le F‑35 : furtivité et avionique intégrée

Le F‑35 Lightning II est un avion de chasse dit de cinquième génération, mis en service en 2015. Il dispose d’une empreinte radar très réduite (<0,001 m² RCS), générateur AESA intégré et système de fusion de données avancé. Son coût unitaire varie de 90 M\$ à 100 M\$ (≈ 83 – 92 M€) selon variantes A/B/C, avec un coût horaire estimé entre 35 000–44 000 € (estimation 2020).

La furtivité passive et active permet au F‑35 de pénétrer les défenses adverses sans déclenchement d’alerte radar. Ses capteurs, tels que l’EOTS (Electro‑Optical Targeting System), fournissent une visibilité IR et visuelle jusqu’à plusieurs dizaines de kilomètres.

Le F‑35 est en service dans plus de 15 pays, notamment aux États-Unis, en Israël, en Corée du Sud et bientôt en Europe (Belgique, Pays‑Bas). En Oostende, la Belgique a commandé 34 appareils + 11 en option (livraisons post‑2033), pour un coût total de 1‑1,5 Md €, incluant formation, armement et support logistique.

Le Rafale : polyfonction, avionique avancée

Le Rafale, conçu et produit par Dassault Aviation, est qualifié de “semi‑furtif” : cellule delta-canard optimisée, revêtements absorbants et système de guerre électronique SPECTRA.

Performances issues de données officielles :

  • Rayon d’action : 3 700 km sans ravitaillement, contre ≈ 2 700 km pour l’Eurofighter et <2 000 km pour le Gripen .
  • Masse maximale au décollage : 24 500 kg, charge utile externe de 9 500 kg .
  • Coût de développement (2004‑2014) : de 26 à 46 Mds € pour 286 appareils. Coût moyen par appareil : 68‑79 M€ .
  • Coût horaire opérationnel : ≈ 15 000 \$ (≈ 14 000 €), comparé à 4 700 \$ pour le Gripen.

Le Rafale affiche une grande fiabilité, avec un taux de disponibilité opérationnelle de 95 %, pas d’évacuations prolongées pour maintenance . Il fonctionne en réseaux tactiques (liaison L16), avec capacités air‑air, air‑sol et frappe nucléaire. L’AESA RBE2‑AESA permet détection & engagement à plus de 100 km .

Eurofighter et Gripen : performances robustes

L’Eurofighter Typhoon – biréacteur européen – combine vitesse (Mach 2 +) et forte manœuvrabilité. Son système DASS offre protection électronique complète . Mais ses coûts logistiques et certaines pannes (refroidissement DASS) limitent la disponibilité : en 2017, seulement 39 sur 128 stocks allemands étaient pleinement opérationnels .

Le Saab JAS 39 Gripen, monoplace à simple réacteur, est conçu pour un emploi économique et flexible. Coût horaire le plus faible : 4 700 \$, rayon modeste (<2 000 km) . Il est utilisé dans des missions de police du ciel et opérations annexes.


Furtivité ou robustesse : la doctrine européenne mise à l’épreuve

La furtivité : atout ou illusion stratégique ?

Le F‑35 mise sur une furtivité passive totale (empreinte <0,001 m²) et capteurs intégrés. En revanche, les Européens misent sur une furtivité partielle et un système électronique SPECTRA (Rafale) ou DASS (Eurofighter) combiné à des capteurs AESA.

L’efficacité réelle de la furtivité dépend du type de radars adverses. La Russie opère des radars basse fréquence (VHF/UHF) moins sensibles à la furtivité passive. Dans ce scénario, des avions européens bien protégés électroniquement pourraient rester pertinents.

Scénario Russie‑OTAN : de quelles menaces parle Francken ?

Francken affirme qu’en cas d’affrontement avec la Russie, les Rafale, Eurofighter et Gripen n’auraient aucune chance face aux Sukhoi Su‑35S, Su‑57 et systèmes S‑400. Il estime que seule une flotte de F‑35 garantirait la supériorité via une triangulation furtive le long des lignes ennemies.

Cette analyse repose sur des simulations de combat à l’horizon 2035, où la furtivité reste un avantage décisif. Toutefois, l’évolution des CAPTOR‑E, AESA, SPECTRA‑F5 du Rafale rapproche ce dernier d’un cinq‑génération « européen » .

Coûts et autonomie stratégique européenne

Le F‑35 impose un coût élevé Acquisitif + opérationnel (+ de 1 500 h/an, 44 000 €/h). Il dépend aussi d’un support américain (FMS, MRO). En Belgique, le programme coûte + 1 Md € pour 11 appareils additionnels .

À l’inverse, choisir le Rafale ou l’Eurofighter renforcerait l’autonomie industrielle européenne, pérenniserait les chaînes de production nationales et faciliterait la coopération. Le ministre belge a d’ailleurs proposé d’orienter les collaborations vers FCAS/GCAP, programmes de chasseur de 6e génération européens, bien qu’il critique leur coût — estimé à 50 Md € pour deux vecteurs distincts.

Enjeux géopolitiques et décisions belges

La Belgique entre OTAN et Europe

Adhérente à l’OTAN, la Belgique s’engage à dépenser 2 % du PIB pour la défense. Francken propose même de réaffecter une part de la sécurité sociale vers la défense .

Outre la commande initiale de 34 F‑35, Francken envisage une flotte de 55 appareils à terme, soit + 21 supplémentaires. Objectif : renforcer la mission OTAN sur un théâtre Est menacé par la Russie.

Réactions européennes et industrielles

Les propos sur le Rafale jugé insuffisant ont été accueillis par les industriels européens comme un manque de reconnaissance. Dassault défend les capacités de son avion, soulignant ses performances multi-rôle, son rayonnement export (Inde, Qatar, Égypte) et son potentiel de modernisation continue jusqu’en 2050.

L’Eurofighter fait valoir que l’amélioration du radar AESA ECRS Mk2 et l’intégration des leurres modernes effacent progressivement son retard. Saab met en avant le bilan financier et logistique du Gripen, notamment sa maintenance peu coûteuse.

Rafale

Vers l’avenir : complémentarité ou standard unique ?

Programmes de 6ᵉ génération européens

Francken souligne la nécessité d’un unique chasseur européen de 6e génération via FCAS (France‑Allemagne‑Espagne) et GCAP (Royaume‑Uni). Les coûts engendrés (≈ 50 Mds €) pour des flottes réduites (quelques centaines d’exemplaires) sont jugés « déraisonnables ». Conclusion : il faut consolider les programmes existants avant de passer à l’étape suivante.

Scénario d’évolutions rapprochées

Une voie possible : modernisation des Rafale (F4 → F5) avec intégration de drones, IA, nouvelles liaisons tactiques. Le Rafale F5 intègre des drones de combat, connectivité renforcée, gouvernance multi-domaines .

Parallèlement, l’Eurofighter dispose d’une feuille de route pour AESA, réservoirs conformes, capacité BVR renforcée. Saab prépare le Gripen E/F pour accompagner les forces européennes plus économiquement.

La rivalité entre F‑35 et avions européens est moins dichotomique que Francken ne le laisse entendre. Le F‑35 offre une furtivité totale et une avionique de haute intensité, mais à un coût élevé et sous dépendance américaine. Les Rafale, Eurofighter et Gripen offrent une combinaison robuste de performances, d’autonomie stratégique et de maîtrise budgétaire.

Pour faire face à la Russie, l’Europe peut opter pour un mix équilibré : F‑35 pour certaines missions furtives, Rafale/Eurofighter pour les déploiements d’ensemble, Gripen pour la protection du territoire à moindre coût. Ce scénario permettrait une posture flexible, plus industrielle et économiquement viable.

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